Les fondamentaux du Système d’Information
Ce qui est nécessaire avant toute chose dans un SI
Les piliers sous-jacents d’un SI bien structuré
Le premier fondement est l’urbanisation.
Elle permet d’organiser les couches du SI avec la cohérence d’une ville planifiée.
On définit des zones homogènes (infrastructures, applications, données, sécurité) et des règles strictes d’interaction.
Sans cela, le système ressemble vite à un patchwork bricolé au fil des urgences.
Le second pilier est la gouvernance.
C’est l’ossature décisionnelle qui définit qui décide, qui valide, et comment les arbitrages se prennent.
Elle assure que chaque composant du SI trouve sa place et son budget, sans chevauchement ni zones d’ombre.
Le troisième pilier est la sécurité et la conformité.
Loin de se limiter à un pare-feu ou à un antivirus, elle englobe des politiques, des contrôles, et surtout des preuves traçables de conformité aux normes (ISO 27001, NIS2, RGPD).
Sans cette rigueur, chaque faille devient une porte d’entrée potentielle vers un désastre.
Le quatrième pilier (souvent le plus négligé) est la documentation et la cartographie.
Sans représentation claire des flux, des dépendances, des cycles de vie et des règles de gestion, une entreprise navigue à vue.
Or, je le répète souvent, une bonne cartographie n’est pas un luxe, elle permet pour prévenir les crises.
On ne a fait pas quand on a le temps, elle est le temps.
Ces documents oubliés qui fragilisent le SI
Certains documents indispensables sont régulièrement mis de côté ou bâclés.
Le registre des traitements des données personnelles, exigé par le RGPD, en fait partie.
Souvent inachevé ou jamais mis à jour, il expose l’entreprise à des sanctions et à une perte de confiance des parties prenantes.
La cartographie des flux de données, elle, est trop souvent inexistante ou obsolète.
Peu d’organisations peuvent en fournir une version à jour en moins d’une journée.
Et pourtant, sans elle, aucune évaluation sérieuse des impacts métiers et des risques n’est possible.
Le plan de continuité et de reprise d’activité (PCA/PRA) est aussi concerné.
Souvent relégué au second plan, il n’est pas testé régulièrement, voire jamais finalisé.
En cas d’incident majeur, cette lacune peut transformer une crise maîtrisable en catastrophe.
La politique de gestion des dépendances logicielles est un autre angle mort.
Avec la multiplication des composants open source et des solutions cloud, combien d’entreprises tiennent une liste exhaustive et à jour de leurs dépendances critiques ?
Combien établissent des critères précis pour évaluer, valider et surveiller ces briques logicielles ?
Enfin, les documents de décision et d’arbitrage, tels que les procès-verbaux de choix technologiques, les rapports de gouvernance et les justifications de budget, sont souvent éparpillés, incomplets ou tout simplement absents.
C’est pourtant sur eux que repose la capacité à démontrer la légitimité d’une décision ou la conformité d’une action.
Pourquoi ces oublis perdurent-ils ?
La première raison tient à l’urgence opérationnelle.
Les équipes sont concentrées sur les livrables, les incidents, les projets à court terme.
La documentation, perçue comme une perte de temps, est repoussée aux calendes grecques.
La seconde raison est culturelle.
Peu d’organisations valorisent réellement la discipline documentaire.
Elle est vue comme un fardeau administratif, et non comme un levier stratégique.
Cela engendre une fragilité structurelle, un manque de mémoire et une incapacité à anticiper les risques.
Réhabiliter les fondamentaux : des actions concrètes
Pour remédier à cette situation, plusieurs leviers concrets peuvent être activés.
Instaurer un cycle documentaire obligatoire, intégré à la gouvernance du SI, avec des points de contrôle réguliers et des indicateurs précis.
Mettre en œuvre des outils de cartographie et de documentation dynamiques, capables de s’auto-alimenter à partir des évolutions du système, des flux et des projets.
Former et sensibiliser les équipes à la valeur stratégique de la documentation, pour qu’elle ne soit plus perçue comme une corvée mais comme un levier de maîtrise et de résilience.
Réaliser des audits réguliers de complétude et d’actualité des documents importants, pour garantir qu’aucune décision ni aucune dépendance ne repose sur des bases floues ou obsolètes.
La rigueur documentaire, un atout compétitif
Un Système d’Information est bien plus qu’un empilement d’outils techniques.
C’est une architecture vivante, où chaque choix, chaque flux, chaque dépendance joue un rôle critique.
Négliger les documents fondamentaux, c’est accepter de piloter à l’aveugle, sans boussole ni cartes.
Réhabiliter la documentation, c’est redonner à l’entreprise les moyens de naviguer avec lucidité, de prévenir les crises, et de démontrer sa capacité à maîtriser la complexité.
Dans un monde où la vitesse du changement dépasse la capacité humaine à tout contrôler, la rigueur documentaire n’est pas un luxe.
C’est un impératif stratégique et un facteur différenciateur.
Yann-Eric DEVARS Consultant et formateur en architecture d'entreprise
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