Chez les développeurs au sens large, les dépendances aux librairies externes sont devenues la norme.
Open source, frameworks, modules, packages, APIs : tout est conçu pour être réutilisé, intégré, combiné.
Ce modèle, véritable moteur de l’innovation technologique, permet de gagner un temps considérable, de bénéficier des avancées de communautés entières et de concentrer les efforts internes sur la valeur métier.
Mais derrière cet élan de réutilisation et de mutualisation se cache un risque systémique majeur que beaucoup sous-estiment encore : l’introduction, au cœur même des applications, de composants non maîtrisés, susceptibles de devenir les chevaux de Troie des attaquants.
On parle ici de ce que l’on pourrait appeler une dette de sécurité logicielle.
Et comme toute dette, elle finit un jour par se payer (parfois très cher).
Pour bien comprendre, il faut revenir à la mécanique du développement moderne.
Aujourd’hui, il n’est pas rare qu’une simple application web repose sur des dizaines, voire des centaines de dépendances tierces.
Certaines sont directes, installées explicitement par les développeurs, d’autres sont transitives, c’est-à-dire introduites automatiquement par les dépendances elles-mêmes.
Le problème ?
Chaque librairie est un point d’entrée potentiel pour un attaquant.
Et il suffit qu’une seule, parmi ces centaines, soit compromise pour mettre en péril l’ensemble de l’application.
Les exemples récents sont éloquents :
Log4Shell (Log4j) a exposé des milliers de systèmes critiques à travers le monde.
SolarWinds a montré que même des outils supposément de confiance pouvaient être détournés à des fins d’espionnage massif.
XZ Utils en 2024 a révélé qu’un contributeur malveillant pouvait, à force de patience, insérer du code backdooré dans une librairie ultra-populaire sans être détecté pendant des mois.
Dans un monde hyper-connecté, où les chaînes d’approvisionnement logicielles s’étendent sur plusieurs niveaux, ce type d’attaque s’apparente à un feu de forêt : il se propage vite, il est difficile à circonscrire, et il laisse des dégâts durables.
Pourquoi ces risques sont-ils si peu maîtrisés ?
La réponse est souvent organisationnelle avant d’être technique.
Beaucoup d’entreprises n’ont aucune politique claire encadrant l’usage des dépendances externes.
Les développeurs installent ce dont ils ont besoin, souvent en allant chercher sur des registres publics (npm, PyPI, Maven Central, GitHub, etc.) sans se poser de questions.
On ne leur a pas appris à faire autrement.
Côté sécurité, les équipes manquent parfois de visibilité ou de moyens pour superviser ces pratiques.
Résultat : il n’existe ni repository interne de confiance, ni processus formel de validation, ni outillage de détection efficace. Le tout combiné à des chaînes CI/CD souvent dépourvues de contrôles robustes.
Bref, on avance vite, mais on avance les yeux bandés.
Pour répondre à ce défi, plusieurs leviers complémentaires sont à actionner :
✅ Définir une politique de sécurité des dépendances
Cela commence par formaliser des règles claires :
Quels types de librairies sont autorisés ?
Quels critères de qualité, de maintenabilité, de popularité, de licence ?
Quelles revues obligatoires avant intégration ?
✅ Mettre en place des repositories internes maîtrisés
Plutôt que de tirer directement depuis des registres publics, il faut passer par des dépôts privés, où les librairies sont vérifiées, versionnées, et régulièrement mises à jour.
On parle ici de mise en cache maîtrisée, pas de simple duplication.
✅ Outiller les chaînes CI/CD avec du SCA (Software Composition Analysis)
Des outils comme Snyk, Sonatype, WhiteSource, ou encore Dependabot permettent de scanner les dépendances, d’identifier les vulnérabilités connues, et d’automatiser les mises à jour critiques.
✅ Sensibiliser les équipes de développement
Ce point est trop souvent négligé.
Il faut former les développeurs à ces enjeux, leur expliquer les risques, leur donner les bons réflexes : éviter les packages obscurs, préférer les versions stables, lire les changelogs, surveiller les mainteneurs actifs, etc.
✅ Prévoir des capacités de réponse et de remédiation rapide
Car même avec tout cela, le risque zéro n’existe pas.
Il faut donc savoir désactiver rapidement une librairie compromise, patcher, déployer des correctifs, et communiquer efficacement.
Ce sujet dépasse largement le simple cadre de la sécurité applicative.
On touche ici à des enjeux de résilience organisationnelle.
Une attaque réussie via une dépendance tierce peut entraîner :
Des interruptions de service majeures.
Des pertes financières directes.
Des atteintes à l’image et à la réputation.
Des responsabilités légales, notamment vis-à-vis de la protection des données personnelles.
C’est pourquoi ce débat doit sortir des seules équipes IT ou cybersécurité et remonter au niveau du COMEX.
Il en va de la maîtrise de la chaîne de valeur numérique de l’entreprise.
La question que devraient se poser toutes les organisations aujourd’hui est simple :
"Sommes-nous capables d’identifier, maîtriser et réagir aux risques portés par nos dépendances logicielles ?"
Si la réponse est non (et dans beaucoup d’organisations, c’est encore le cas) alors il faut agir vite.
Yann-Eric DEVARS Consultant et formateur en architecture d'entreprise
BUNDLE Complet
Retrouvez la méthode d'architecture d'entreprise complète DYNAMAP comprenant le manuel de cartographie du système d'information ainsi que le guide des livrables et le manuel de survie de l'architecte du système d'information dans un BUNDLE :
Vous souhaitez maitriser TOGAF et l'ensemble de l'architecture d'entreprise : découvrez nos packs de formation
Vous souhaitez apprendre à gérer les projets IT vitaux ou stratégiques : découvrez notre formation intensive de 3 jours
Vous souhaitez passer au niveau supérieur en cartographie : découvrez nos formations de cartographie du Système d'Information
Manuel de cartographie du système d'information en PDF
Découvrez le guide illustré incontournable pour maîtriser l'art de la cartographie en architecture d'entreprise.
Ce manuel pratique et complet vous offre les clés pour identifier, représenter et optimiser la chaine de valeur, intégrant les processus vitaux, les objets métiers, les données, les logiciels, les infrastructures, les risques et les investissements de votre organisation.
Grâce à des méthodes éprouvées et des outils de modélisation avancés, vous apprendrez à visualiser et à gérer vos opérations de manière holistique.
Ce livre est essentiel pour tout professionnel cherchant à améliorer la performance, la résilience et la compétitivité de son entreprise.
© Yann-Eric DEVARS - DYNAMAP. Tous droits réservés.
Nous avons besoin de votre consentement pour charger les traductions
Nous utilisons un service tiers pour traduire le contenu du site web qui peut collecter des données sur votre activité. Veuillez consulter les détails dans la politique de confidentialité et accepter le service pour voir les traductions.